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La semaine du droit des contrats

Civil - Contrat
25/05/2020
Présentation des dispositifs des derniers arrêts publiés au Bulletin civil de la Cour de cassation en droit des contrats.
Prêt à usage – sinistre
« Selon l'arrêt attaqué (Paris, 2 octobre 2018), par acte du 5 octobre 2005 intitulé « bail emphytéotique », la commune de Joinville-le-Pont (la commune) a mis à la disposition de l'association Aviron Marne et Joinville (l'association) un ensemble immobilier. A la suite d'un incendie survenu le 25 octobre 2005 ayant détruit le bâtiment objet du bail, la société Axa France IARD (la société Axa), assureur de la commune, a indemnisé celle-ci et, subrogée dans ses droits, a assigné en remboursement la Mutuelle assurance des instituteurs de France (la MAIF), assureur de l'association
Vu les articles 1315, devenu 1353, 1875 et 1880 du Code civil :
Aux termes du deuxième de ces textes, le prêt à usage est un contrat par lequel l'une des parties livre une chose à l'autre pour s'en servir, à la charge par le preneur de la rendre après s'en être servi. Selon le troisième, l'emprunteur est tenu de veiller raisonnablement à la garde et à la conservation de la chose prêtée.
Il en résulte qu'en cas de dégradation ou de perte de la chose prêtée, l'emprunteur est tenu d'indemniser le prêteur, sauf s'il rapporte la preuve de l'absence de faute de sa part ou d'un cas fortuit (1re Civ., 6 février 1996,
pourvoi n° 94-13.388, Bull. I, n° 68 ; 1er mars 2005, pourvoi no 02-17.537, Bull. I, no 103).
Cependant, cette présomption est écartée lorsque l'emprunteur n'a pas l'usage exclusif de la chose prêtée (1re Civ., 19 mars 1975, pourvoi n° 73-13.436, Bull. I, n° 116 ; 29 avril 1985, pourvoi no 84-13.286, Bull. I, n° 133).
Pour accueillir la demande de la société Axa, après avoir qualifié le contrat de prêt à usage, l'arrêt retient que, faute d'établir que la commune usait du droit que lui reconnaissait la convention d'accéder et d'user des constructions, et donc qu'elle occupait effectivement le bien prêté, l'association ne peut se dégager sa responsabilité qu'en prouvant qu'elle-même n'a commis aucune faute ou qu'il s'agissait d'un cas fortuit.
En statuant ainsi, alors qu'elle avait constaté que la commune s'était contractuellement réservé l'usage du bien prêté en commun avec l'association, de sorte que cette dernière ne pouvait être présumée responsable du sinistre survenu et n'était donc pas tenue de prouver qu'elle n'avait pas commis de faute ou la survenue d'un cas fortuit, la cour d'appel a violé les textes susvisés ».
Cass. 1re civ., 20 mai 2020, n° 19-10.559, P+B *
 
 Contrat – devoirs d’information, de conseil et de mise en garde – perte de chance  
« Vu l'article 1147 du Code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016, applicable à la cause ;
Selon l'arrêt attaqué, que le 22 janvier 2007, M. X… a adhéré, pour garantir un prêt immobilier consenti par la société Crédit foncier de France (la banque), au contrat d'assurance de groupe souscrit par cette dernière auprès de la société Axa France vie (l'assureur) afin de couvrir les risques décès, invalidité et incapacité ; que le 14 mars 2008, M. X… a été victime d'un accident du travail ; qu'après avoir pris en charge les échéances du prêt, l'assureur a notifié à M. X… un refus de maintenir la garantie, son taux d'incapacité fonctionnelle ne dépassant pas le minimum contractuel prévu ; que M. X… a assigné la banque en réparation d'un manquement à ses devoirs d'information, de conseil et de mise en garde ;

Pour rejeter cette demande, l'arrêt, après avoir retenu la responsabilité de la banque pour n'avoir pas appelé l'attention sur les limites de la garantie souscrite, énonce que M. X… ne démontre pas que, complètement informé, il aurait contracté une autre assurance qui l'aurait couvert contre l'incapacité de travail qui lui avait été reconnue, ce d'autant que les assurances ne couvrent pas l'incapacité de travail dans les termes de l'incapacité reconnue par la sécurité sociale, et en déduit l'absence de perte de chance de souscrire une assurance lui garantissant le risque d'une incapacité totale de travail ;
Qu'en statuant ainsi, alors que toute perte de chance ouvre droit à réparation, la cour d'appel, qui a exigé de l'assuré qu'il démontre que s'il avait été parfaitement informé par la banque sur l'adéquation ou non de l'assurance offerte à sa situation, il aurait souscrit, de manière certaine, un contrat mieux adapté, la cour d'appel a violé le texte susvisé ».

Cass. 2e civ., 20 mai 2020, n° 18-25.440, P+B+I *
 

Contrat de construction – maison individuelle – titre de propriété – droits réels
« Selon l’arrêt attaqué (Rennes, 22 février 2018), par acte du 29 juin 2011, Mme X... a conclu un contrat de construction de maison individuelle avec fourniture du plan (CCMI) avec la société Les Maisons B... Y... (société B... Y...). Par acte authentique du 22 juillet 2011, Mme X... s’est vu consentir par ses parents une donation de la propriété de la parcelle mentionnée au contrat de construction. Le permis de construire a été accordé par arrêté du 22 novembre 2011. Par lettre recommandée avec demande d’avis de réception du 4 mai 2012, Mme X... a mis fin aux relations contractuelles avec la société B... Y....
Cette société a assigné Mme X... en règlement d’une somme à titre d’indemnité de résiliation. Reconventionnellement, Mme X... a sollicité la nullité du CCMI, subsidiairement sa résiliation aux torts de la société B... Y... et le paiement de dommages-intérêts.
 
Vu les articles L. 231-2, L. 231-4 et R. 231-2 du Code de la construction et de l’habitation :
Il résulte de ces textes, d’une part, que, le jour de la conclusion du contrat de construction de maison individuelle avec fourniture du plan, le maître de l’ouvrage doit bénéficier, sur le terrain concerné, d’un titre de propriété, de droits réels permettant de construire, d’autre part, que le contrat peut être conclu sous la condition suspensive de l’acquisition du terrain ou des droits réels permettant de construire si le maître de l’ouvrage bénéficie d’une promesse de vente.
Pour écarter le moyen tiré de la nullité du contrat, l’arrêt retient que l’article L. 231-4.I du Code de la construction et de l’habitation admet qu’à défaut de titre de propriété, le contrat peut être conclu sous la condition suspensive d’acquisition de la propriété de la parcelle concernée et, qu’en l’espèce, s’agissant de la désignation du terrain destiné à l’implantation de la construction et de la mention du titre de propriété du maître d’ouvrage ou de ses droits réels lui permettant de construire, le contrat mentionne l’adresse du terrain, ses coordonnées cadastrales et précise, à la rubrique "titre de propriété", qu’une donation est en cours et que cette donation a effectivement été consentie par acte authentique du 22 juillet 2011, dans le délai de quatre mois contractuellement prévu pour la levée des conditions suspensives.
En statuant ainsi, alors qu’au jour de la conclusion du contrat, Mme X... ne disposait ni d’un titre de propriété ni de droits réels ni d’une promesse de vente, la cour d’appel a violé les textes susvisés ».
Cass. 3e civ., 14 mai 2020, n° 18-21.281, P+B+I *

 
*Le lien vers la référence documentaire sera actif à partir du 25 juin 2020
 
 
Source : Actualités du droit